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Alexia Pierre-Pont

ESPACE LITTERAIRE : FREDERIQUE DUMAS - L'ANTITHESE DE LA MACRONIE


Récit au cœur du pouvoir : Ce que l'on ne veut pas que je vous dise ''Macron et mes premières déceptions''


Frédérique Dumas, ou Frédérique Dumas-Zajdela, née le 18 mai 1963 à Paris, est une productrice de cinéma et femme politique française. De 2007 à 2014, elle est directrice générale de la filiale cinéma d'Orange.

Biographie de l'auteur

Frédérique Dumas est une productrice de cinéma et femme politique française. Après différentes expériences politiques, elle est aujourd'hui députée de la 13e circonscription des Hauts-de-Seine et membre de la commission des Affaires européennes et de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale. photo DR



Mensonges, magouilles, coups bas, humiliations… 1825 jours d'une députée dans les filets de la Macronie

RÉSUMÉ

" Elle est une des rares à avoir un pied dans l'imaginaire et l'autre dans la réalité. " Atiq Rahimi "En 2017, j'ai soutenu cet espoir nouveau que représentait Emmanuel Macron et j'ai été élue députée à l'Assemblée nationale. Les déceptions, petites et grandes, se sont très vite accumulées et, dans un réflexe de survie, j'ai été une des premières à quitter En marche. Aujourd'hui, après avoir accompagné un temps Franc¸ois Bayrou, puis Emmanuel Macron, côtoyé Alexis Kohler, Édouard Philippe, Valérie Pécresse et tant d'autres, j'ai décidé d'abandonner toute étiquette politique. Il est temps pour moi de témoigner de ce que j'ai vu, entendu, vécu de l'intérieur qui mine notre vie démocratique, nos vies et nos espérances, et d'imaginer un nouveau chemin, celui d'un changement profond."

 

EXTRAIT

 


Introduction

Au nom de toutes mes passions, de tous mes combats, de toutes mes volontés, mes déterminations, j’ai rejoint et soutenu cet espoir nouveau que représentait Emmanuel Macron en 2017 et j’ai été élue à l’Assemblée nationale, députée des Hauts-de-Seine. Car il me semblait que l’objectif principal des dix années à venir était de faire de l’égalité des chances une réalité, de donner à chacun, à chacune, les moyens de sortir des assignations à résidence de quelque nature qu’elles soient, de s’adapter à un monde en pleine évolution et de réduire les fractures économiques, culturelles, sociales, géographiques et territoriales. C’était à mes yeux un enjeu de moyen et long terme auquel il fallait aussi apporter des solutions concrètes et rapides si nous voulions réduire à la fois l’abstention et les tentations de repli sur soi, en apportant un véritable changement au quotidien. C’était ce à quoi s’était engagé le candidat Emmanuel Macron, ou du moins, c’était la direction vers laquelle il se proposait de nous emmener.

Les déceptions, petites et grandes, se sont très vite accumulées et, dans un réflexe de survie intérieure, j’ai été une des premières à quitter le groupe parlementaire de cette République qui se disait « en marche », le 17 septembre 2018 exactement.

Amoureuse de la littérature, du cinéma, de la musique, de la peinture, de la photo, de la sculpture… de tous les arts ! , je me suis construite à travers un engagement constant au service de la préservation de la diversité culturelle, de l’éducation au sensible et de l’enrichissement que nous apporte la rencontre avec les autres cultures.

À travers des engagements d’intérêt général, en tant que membre du cabinet de François Léotard, ministre de la Culture ; à la présidence de la commission culture de la région Île-de-France ; en occupant les fonctions de maire adjointe chargée des affaires culturelles à Antony. Mais aussi en tant que membre du Fonds régional d’art contemporain et d’ARCADI, l’organisme longtemps chargé du spectacle vivant à la région Île-de-France, et en tant que membre pendant de longues années du Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle. À travers des engagements syndicaux, comme présidente de la Chambre syndicale des producteurs et comme présidente du Bureau de liaison des industries cinématographiques. À travers le porte-parolat et le secrétariat national à la culture et aux médias de la Nouvelle UDF puis de l’UDI.


Et il y a, bien sûr, mon métier de productrice de cinéma et de directrice générale d’Orange Studio. J’ai ainsi produit ou coproduit des films aussi différents que le multi-oscarisé The Artist de Michel Hazanavicius, Gainsbourg de Joann Sfar, Dobermann de Jan Kounen ou Les Beaux Gosses de Riad Sattouf, des films abordant des sujets de société comme 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi d’Alexandre Arcady, Welcome de Philippe Lioret, Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau ou encore Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar, ou des sujets du monde comme No Man’s Land de Danis Tanović, oscar du meilleur film étranger, Timbuktu d’Abderrahmane Sissako et bien d’autres encore. photo DR Je suis convaincue que la manière d’exercer le pouvoir dessine notre modèle de société, et il est temps pour moi de témoigner de ce que j’ai vu, entendu, vécu de l’intérieur qui mine notre vie démocratique, nos vies et nos espérances.

Je fais partie de celles et ceux qui pensent toujours qu’il est préférable de rejeter les approches idéologiques ou dogmatiques. Que de vies sacrifiées en leur nom ! Aujourd’hui, face au vide idéologique du macronisme, à sa vacuité, il est certes de bon ton de penser que nous avons besoin du retour des idéologies. Mais les idéologies enferment, créent des schismes entre les êtres humains qui deviennent des abysses. Elles séparent et créent des fractures irréparables. Et le macronisme est aussi une idéologie. Celle du progressisme technocratique qui nous mène droit dans le mur. Il est moins aisé de cerner le progressisme dans sa dimension idéologique, puisque sa force c’est aussi de prétendre ne pas en être une, mais la définition qu’en donne l’essayiste Dwight Macdonald en 1946

est saisissante : « Un groupe de gens sont installés dans un bolide fonçant tout droit dans un précipice. En voyant d’autres assis sans rien faire au bord de la route, ils crient : “Ce que vous êtes négatifs ! Regardez-nous ! Nous allons quelque part, nous faisons vraiment quelque chose, nous !” » Et c’est ce sentiment diffus que nous éprouvons. Que l’on nous emmène droit là où nous ne voulons pas aller. D’une manière ou d’une autre.


AVANT LA BRISURE

Les idéologies, quelles qu’elles soient, relèvent à mes yeux de la manipulation. Celle qui vous fait croire que ce sera mieux demain, sans qu’une seule journée vous amène un tant soit peu et de manière concrète vers ces lendemains promis. Les promesses vaines s’enchaînent. Les déceptions, la désillusion et la perte de confiance.


Pour moi, une personne peut se sentir de gauche ou de droite, si elle le souhaite, c’est son droit et sa liberté, mais cette seule moitié ne saurait rendre compte de ce qu’elle est réellement, avec toutes ses nuances. À l’évidence, elle est bien plus que cela. Ce serait renoncer à toutes les dimensions d’un être humain. Ma vie m’a amenée à me positionner au centre droit, mais jamais à m’y enfermer et à dépendre de la politique. L’idéologie enferme et prive de la possibilité de « voir ailleurs », de changer de point de vue. Ce qui ne signifie pas penser ou dire tout et son contraire, mais qui permet d’ajuster et de changer l’angle à travers lequel on regarde les choses, le monde. C’est ce qui permet, et ce n’est pas paradoxal, de ne pas trahir ses convictions profondes. photo DR

Comme beaucoup d’entre nous, je le sais, j’ai soif d’idéal. Et j’ai soif que cet idéal s’incarne. Aller sur le terrain, chercher à comprendre, rencontrer, écouter, entendre, y compris ce qui peut remettre en cause nos croyances ou nos intuitions, s’imprégner et surtout ressentir, éprouver. C’est le seul chemin qui permette de ne pas se laisser aller à créer des mondes virtuels dans lesquels on s’enferme confortablement ou inconfortablement. C’est le seul chemin pour influer sur le réel. Car je ne me résigne pas à ce que mes idéaux ne s’incarnent pas. C’est ce qui me motive. C’est ce qui me fait me lever chaque matin. C’est pour moi une nécessité aussi réelle et nécessaire que le fait de respirer.




Certaines et certains me reprocheront d’être trop crédule et naïve. J’accepte et j’accueille ces reproches. Je ne peux nier par exemple que j’ai cru en François Bayrou, en Emmanuel Macron et que, finalement, je me suis trompée sur leurs intentions, sur leurs motivations.


L’important, c’est de s’en rendre compte, de ne pas persévérer dans l’illusion et d’assumer. Être libre, c’est un choix qui dépend de vous et uniquement de vous.


En revanche, vous devez toujours en accepter les conséquences. Celles-ci peuvent être dures, mais elles ne sont que passagères. Certains passages sont beaucoup plus longs et difficiles que d’autres. Des « traversées du désert » peuvent même se compter en années. Cette acceptation n’a rien d’évident, mais elle est nécessaire pour passer l’obstacle.


En 2017, j’ai quitté ma famille politique parce qu’elle s’éloignait de ses idéaux et j’ai rejoint Emmanuel Macron. Depuis, en chemin, j’ai décidé à la fois de quitter Emmanuel Macron, qui s’éloignait à son tour de ses promesses, et d’abandonner toute étiquette politique.


Tout simplement pour ne pas m’auto-trahir, trahir mes convictions, pas celles qui fondent une idéologie mais celles qui fondent ce que vous êtes, la part non négociable en vous.

J’ai été souvent trahie. Comme tout un chacun.


Je pense que trahir les autres, c’est se trahir avant tout soi-même. Il me peine de voir tant d’hommes et de femmes abdiquer leurs aspirations premières, celles qui les ont menés à s’impliquer en politique, tout simplement pour l’argent, le statut social ou la détention du pouvoir.


Le pouvoir, quel qu’il soit, comme chacun le sait, peut rendre « fou », pas seulement en politique comme nous le verrons. Mais en politique, il y a ce sentiment encore plus fort de trahison, car nos dirigeants tiennent véritablement une partie de notre destin entre leurs mains, alors qu’ils ont été élus et nous représentent ou ont été nommés par celles et ceux que nous élisons. photo DR


C’est aussi pour cela que j’ai choisi de ne jamais dépendre financièrement de la politique et de pouvoir m’en rapprocher comme m’en éloigner si mes convictions étaient profondément malmenées.

Sans ces fondamentaux, il est tout simplement impossible de construire en confiance. Pouvoir s’appuyer solidement les uns sur les autres, c’est ce qui permet de passer ensemble les épreuves et d’atteindre ses objectifs.


C’est aussi ce que raconte ce livre. Que fidélité n’est pas servilité. Et que liberté n’est pas opportunisme. C’est toute ma vie.


Des couloirs de l’Assemblée nationale à Hollywood, d’Emmanuel Macron à la production d’un film, des rencontres marquantes en politique ou dans la culture, j’ai souhaité vous raconter les passages les plus significatifs de ma vie, ceux qui peuvent permettre de comprendre qu’il est vital de mettre ses actes en conformité avec ses paroles. Que les paroles doivent s’incarner dans la vraie vie. Que la séduction et la manipulation ne durent qu’un temps.

photo DR

Au travers de ce récit, je vous proposerai aussi des idées, des réflexions sur les changements à apporter en profondeur pour changer de logiciel et limiter les excès délétères dans l’exercice du pouvoir. Mais aussi un chemin, des réflexions sur la méthode pour y parvenir.


 

CHAPITRE 1 Ce qui me constitue


J’ai grandi à Villemoisson-sur-Orge, dans l’Essonne, près de Paris, mais mon enfance et ma jeunesse sont totalement empreintes de Gabian, un petit village de l’Hérault où ma famille a une partie de ses racines. Gabian, ses pieds de vigne, ses raisins, ses porettes, ses asperges sauvages. Dans ma tête, imprimés à jamais, il y a les contreforts des Cévennes au loin avec une vue imprenable sur le château de Cassan, notre maison occitane en pierres avec son grand jardin en espalier, des lauriers-roses, des iris blancs et violets, des acacias, des figuiers, des néfliers, des grappes lourdes de lilas qui embaument, un potager rempli de tomates, d’aubergines et de plantes aromatiques. Il y a le soleil écrasant du plein été, le goût de l’anis, du fenouil sauvage, celui des pâtes de fruits faites maison, la fameuse pâte de coings, mais aussi le souffle du mistral qui fait pencher les cyprès.

Il y a aussi et surtout ma grand-mère paternelle, Mamée, avec ses principes, chevillés au corps, lutter contre toutes les injustices et la misère des « petites gens », comme elle le disait affectueusement et dont elle faisait partie. Dans sa bouche, cette expression était synonyme de simplicité et de grandeur d’âme. Tout comme mes parents, c’est le souci d’égalité qui lui tenait à cœur. Non pas celui de l’uniformité, loin de là, mais de l’égalité des droits. Ne pas faire de différence du simple fait des différences.

C’est un principe inscrit en moi et qui a toujours guidé mes pas. C’est aussi ce principe qui fait que je considère qu’il faut voir l’humain dans chaque être avant toute chose et qu’il n’y a ni à être impressionné par une fonction, un statut social ni à rejeter celui qui n’a rien ou qui ne vous ressemble pas.

Ma grand-mère nous avait donnés, à ma sœur jumelle Pascale et à moi, un petit carré de terre dans lequel nous pouvions cultiver chacune notre ciboulette, notre persil, nos haricots, nos tomates. Cultiver son carré de terre, c’est apprendre. C’est apprivoiser les aléas des saisons, composer avec le manque d’eau ou de soleil, accepter le temps de la pousse comme celui de la maturation. On ne récolte pas à n’importe quel moment.


En politique, il y a aussi par analogie cette nécessité d’être sur le « terrain » et cette notion de temps à apprivoiser. Il faut ressentir ce qu’il se passe et imaginer des dispositifs adaptés, il faut de l’attention et du temps pour que les choses se réalisent et deviennent tangibles, que les objectifs soient atteints. Il faut à la fois faire et laisser pousser. Il faut éprouver les choses, être présent, observer, comprendre leur fonctionnement, être en lien, en contact avec l’humain, la nature, l’environnement et évaluer les résultats. Ce sont des convictions profondes que j’ai en moi, des principes qui me constituent et que je prends le soin de suivre et de proposer. photo DR


C’est une lutte incessante et souvent épuisante qu’il faut mener contre les mesures abstraites et hors sol, inapplicables ou sans effets…

En tout cas, cette maison familiale où j’allais passer toutes mes vacances dans mon enfance m’a permis d’avoir ce contact avec la terre, ce toucher, ces couleurs, ces odeurs. C’est quelque chose que l’on garde en soi et que l’on n’oublie jamais. Ce sont toutes ces impressions que je retrouverai plus tard à Miradoux, dans notre maison du Gers.


Mon père, Jean-Pierre, était ingénieur et finira sa carrière comme directeur Europe du département matériaux et énergies d’Alcatel. Ses travaux se sont concentrés sur la fibre optique et les cellules photovoltaïques. Il effectuera de nombreux déplacements aux « câbles de Lyon », à Bordeaux ou à Tarbes, des voyages en Asie ou aux États-Unis, qui rythmeront notre enfance.


Une partie de sa famille est partie en Algérie, dans ce beau pays dont les couleurs et les odeurs ont si bien été décrites par Albert Camus. Certains pour commencer une nouvelle vie en ouvrant un restaurant, d’autres participants activement à la guerre d’Algérie et plus tristement à certains de ses épisodes peu glorieux. D’autres rejoindront la Nouvelle-Calédonie et cet outre-mer qui nous est cher.

Ma mère, Nadia, était quant à elle la fille aînée d’une fratrie de neuf enfants, au sein d’une famille d’ouvriers agricoles assez pauvres de Champagne. Elle a douze ans lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate et qu’avec sa famille, elle vit l’exode. À quinze ans, elle voit sa mère emportée par un cancer. Elle monte à Paris comme « bonne », travaille dur, passe ses examens de sténodactylo, et deviendra la secrétaire particulière du président du Conseil économique et social, Émile Roche. Son premier mari, Auguste, meurt à vingt-neuf ans dans un accident de voiture. Elle est veuve avec deux enfants, en très bas âge Philippe, qui sera toujours « mon frère unique et préféré », et Michèle , quand elle rencontre mon père. Elle a trente-quatre ans. Il en a vingt-six. Il adoptera ses enfants, qui deviendront comme les siens. Ma sœur jumelle et moi ne tarderons pas à arriver. Ma mère s’arrête de travailler quand nous avons dix ans, elle passe son bac à cinquante ans, fait l’École du Louvre et, passionnée de peinture, devient conférencière…


Ma mère a eu un début de vie difficile, dans la précarité et l’insécurité. Mon père a quant à lui été confronté à un terrible mensonge de famille qui l’a totalement anéanti.

Si mon enfance semble heureuse, la réalité est beaucoup plus complexe. Mes parents ne savent tout simplement pas nous donner de l’affection. Ils nous aiment certainement, mais sont incapables de le montrer. Les relations sont froides et autoritaires. Peu d’espace, voire aucun, pour se livrer, pour être consolé. L’essentiel est de « bien travailler à l’école » et d’accomplir ses devoirs, ces multiples tâches de la maison dont la liste ne cesse de s’allonger. Les sorties autres que très encadrées ne sont pas autorisées.


Alors c’est très tôt dans les livres que je vais trouver refuge, éclusant d’abord la bibliothèque rose, verte, les contes et légendes. Tout ce qui me passe entre les mains. Puis Faulkner, Malraux, Kafka, Dostoïevski, Sartre, dès le collège. Plus tard, Thomas Mann, Proust, Chateaubriand, Andrić, García Márquez, Murakami. Bien d’autres suivront, bien sûr. La liste serait trop longue. Les livres me constituent.



Mon autre chemin pour m’évader sera de fuir la maison dès que cela est possible. Grâce aux comités d’entreprise de la Compagnie générale d’électricité devenue depuis Alcatel et du Conseil économique et social, j’enchaîne les centres aérés et les colonies de vacances, remplacés à l’adolescence par des
séjours linguistiques en Allemagne, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis… De précieux moments de liberté et d’évasion.


Et puis il y aura, au lycée, le ciné-club, le théâtre et les opérettes d’Offenbach. Jean-Pierre Albe, cet incroyable et iconoclaste professeur d’histoire qui nous fera monter sur les planches, connaître de grands bonheurs. Il nous donnera le goût de la liberté et de l’impertinence.


Car à la maison, c’est la rigidité absolue qui règne. Je n’en veux pas à mes parents, mais cela a été longtemps un poids très lourd. Je l’accepte maintenant comme une partie de moi, et aujourd’hui, je vais plus loin, je les comprends. Ma mère a eu un début de vie difficile, dans la précarité et l’insécurité. Mon père a quant à lui été confronté à un terrible mensonge de famille qui l’a totalement anéanti. Sa mère, qui l’a élevé seule, n’a pas voulu lui avouer que son père, parti au Bénin (ce qui était encore alors le Dahomey) comme géomètre, les avait en fait quittés lorsqu’il avait deux ans, lui laissant croire qu’il était tout simplement empêché de revenir en France. Mais à l’âge de vingt ans, il décide de se rendre au Dahomey et apprend sur place la vérité, le choc : son père les a abandonnés et a fondé une nouvelle famille… Bizarrement, il n’en a jamais voulu à sa mère pour ce mensonge, mais il a gardé cette blessure à vif toute sa vie et fuit le mensonge.

Et l’image forte qui me reste d’eux, c’est que les personnes extérieures à la famille, les personnes croisées, celles devenues des ami·es, ont toujours pu compter sur eux, se reposer sur eux. C’est ainsi que nous avons accueilli Thien Nga, une petite Vietnamienne de neuf ans, au moment des boat people. Elle restera quelques années chez nous le temps que sa mère gagne son indépendance. Mon père deviendra également momentanément le tuteur de deux petites filles d’origine béninoise, devenues brutalement orphelines de mère, suite à un crime conjugal. Toute leur vie, ils ont constamment aidé celles et ceux qui en avaient besoin.


Si l’affection n’était pas palpable, j’ai néanmoins eu des parents qui m’ont transmis, au quotidien, le sens de l’exemplarité, de la responsabilité, qu’il est essentiel de tendre la main et d’accepter les différences quelle qu’en soit la nature. Ils m’ont aussi transmis ce qui est une des choses les plus précieuses à mes yeux, cette force, cette stabilité, ce pilier sur lequel il est possible de se reposer en confiance, même en pleine tempête. Ils sont devenus une partie de moi.

C’est sûrement la souffrance de mon père qu’inconsciemment j’ai portée qui fait que je n’ai jamais supporté dans ma vie professionnelle et personnelle les faux- semblants, les mensonges, les promesses trahies, car je sais à quel point les paroles faussées sont destructrices et source d’injustice. C’est aussi la raison pour laquelle je n’ai pas la tentation de céder à la facilité, à certains avantages, aux concessions de cour, à un quelconque opportunisme qui m’obligerait à renier mes valeurs essentielles et ce que je suis. Je préfère rester libre, entière.


C’est ce paradoxe qui m’a construite. Une vie familiale sans liberté, qu’il me fallait trouver sans cesse ailleurs, mais une vie familiale faite d’exemplarité au quotidien.

C’est donc aussi pour être libre et peut-être plus heureuse que je suis partie de la maison familiale à dix-huit ans. J’ai rejoint Pierre, rencontré lors de mes études à l’Institut libre d’étude des relations internationales et avec qui j’ai rejoint ensuite l’Institut français de presse à Paris-II, qui deviendra mon mari et le père de mes enfants.


Mes parents sont d’accord pour me payer mes études et les livres nécessaires au suivi des cours, mais pour le reste, il faut me débrouiller.


À vingt ans, nous nous marions et, en marge de nos études, nous vivons de petits boulots ponctuels et variés. Nous ferons ainsi des chantiers de peinture et de restauration d’appartements ou de maisons où j’excellerai dans le maniement du pinceau coudé pour l’intérieur des radiateurs et le lessivage des plafonds au blanc de Meudon ! C’était physique, mais c’était rémunérateur. Cinq cents francs par jour à l’époque ! Je serai aussi factrice, métier que j’ai adoré pour la liberté de la tournée à vélo et l’ambiance du triage du courrier à cinq heures du matin. J’ai beaucoup apprécié également les personnes âgées qui vous offrent le café, un peu moins les chiens aboyeurs qui vous sautent dessus. J’ai été également vendeuse en moyenne surface, guide dans Paris pour des cars de jeunes Allemands venus pour des compétitions de handball. J’ai plié des kits de papier à lettres et enveloppes pour la Maison du papier recyclé. Enfin, j’ai fait le desk de Radio France internationale. Je classais et distribuais aux journalistes les dépêches provenant des agences de presse selon leurs thèmes. Je faisais les trois-huit. Et j’étais enceinte.



À vingt-deux ans, je donnai naissance à mon premier enfant, mon fils, Antoine. À vingt-huit ans, ce sera Mathilde, ma fille. Je suis fière d’eux et je les aime très fort, ainsi qu’Aurélie, Sasha, Éva et Lou.
Pierre et moi finirons par nous séparer en 2008, mais nous savons que nous pouvons toujours compter l’un sur l’autre. Nous partageons notre maison de Miradoux. Celle où se retrouvent tous les cousins et cousines. Nous restons très proches, et sa grande famille d’origine slovène est ma famille de cœur.

 

CHAPITRE 2 Macron et mes premières déceptions

Quand Emmanuel Macron était ministre de François Hollande, j’ai été, je l’avoue, trompée par deux moments qui ont opéré comme des déclics en moi et m’ont conduite à m’engager à ses côtés. En effet, la seule chose que j’ai vue ou que j’ai voulu voir, déçue par ma famille politique, c’est l’image d’un homme fidèle à ses convictions, qui en janvier 2016 ose évoquer son « inconfort philosophique » face à « la déchéance de la nationalité » et qui salue le souhait d’Angela Merkel d’accueillir en 2015 un nombre important de réfugiés syriens.



En 2016, lorsque je ferai le choix de rejoindre Emmanuel Macron, j’écrirai ces quelques lignes : « Je suis une élue UDI et j’ai décidé de rejoindre Emmanuel Macron car il a le courage d’être lui-même, d’être libre et de nous inviter à l’être. C’est le seul chemin possible : mettre fin à la soumission systématique à la majorité politique à laquelle on appartient, quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, mettre fin aux arrangements électoraux qui se font au détriment de la cohérence et de la confiance. 

Emmanuel Macron a la force et la détermination de nous rassembler dans toutes nos différences pour accompagner la transformation profonde de notre monde et la détermination de ne laisser personne sur le côté de la route. Avec En marche, il construit un projet positif. Un projet “pour” et pas un projet “contre”. Il redonne une espérance à chacun d’entre nous en proposant une vision collective et des propositions concrètes, en nous faisant confiance. Emmanuel Macron fait appel au meilleur de nous-mêmes d’où que l’on vienne, qui que l’on soit. »



Mais à la fois très vite et doucement, je commence à comprendre que je me suis embarquée dans une aventure qui n’est pas celle que l’on nous a promise. Les décisions qui sont prises et surtout les comportements me heurtent profondément. La vie de parlementaire au sein de la majorité me réserve également quelques surprises…

Je me souviendrai toujours de cette première fois où j’ai bravé la consigne de vote du groupe En marche. C’était en juillet 2018. Charles de Courson, député et ami de tous les combats pour défendre les libertés fondamentales, avait déposé un amendement qui remettait en partie en cause le verrou de Bercy qui autorisait l’administration fiscale à négocier en cas de fraude fiscale sans que le contrevenant puisse être inquiété par la justice.

C’était une de nos promesses de campagne, et Charles de Courson appartenait au seul groupe dit « constructif » de l’Assemblée qui n’était pas dans une opposition systématique. Cela nous permettait donc de démontrer que nous étions prêts à tendre la main à d’autres sensibilités. Mais Richard Ferrand et sa garde rapprochée nous surveillaient comme le lait sur le feu. Emmanuel Macron avait été traumatisé par les soi- disant « députés frondeurs ».


 

TABLE DES MATIÈRES

Titre

Introduction

Chapitre 1 - Ce qui me constitue

Chapitre 2 - Macron et mes premières déceptions

Chapitre 3 - L'affaire Benalla

Chapitre 4 - Un dernier tour de table… avant de quitter En marche

Chapitre 5 - Les Gilets jaunes

Chapitre 6 - La bataille Canal+/TPS

Chapitre 7 - François Bayrou

Chapitre 8 - Le métier de productrice

Chapitre 9 - Noé Productions

Chapitre 10 - Les années Orange, 2005-2014

Chapitre 11 - Valérie Pécresse

Chapitre 12 - The Artist

Chapitre 13 - Alexis Kohler et Emmanuel Macron

Chapitre 14 - Un début de crise sanitaire entre élections municipales et confinement

Chapitre 15 - Un Parlement vidé de son rôle et un début de vaccination difficile

Chapitre 16 - Une responsabilité des acteurs politiques à réformer ?

Chapitre 17 - Un premier bilan de la crise sanitaire

Chapitre 18 - Le pass vaccinal

Chapitre 19 - Que choisir ?

Chapitre 20 - Alors que faire et surtout comment faire ?

Conclusion

Remerciements

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