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  • Photo du rédacteurPar Joseph Polidori

PORTRAIT D'HIER D'ARTISTE : JO, LA FEMME D'EDWARD HOPPER

Jo est le modèle de toutes les femmes présentes dans les tableaux de Hopper. Elle s'est également jointe à lui pour nommer et fantasmer les personnages de ses tableaux. Elle a donc joué un rôle crucial dans le riche drame de son imagination, en l'aidant à transformer son image en une image de sa fantaisie. Ancienne actrice, Jo a permis à Edward de fonctionner comme un metteur en scène donnant à son actrice préférée de nombreux rôles à jouer.

Elle l'aidait également à trouver les accessoires exacts qu'il souhaitait pour créer ses images. Par exemple, Jo pouvait apparaître jeune ou vieille, séduisante ou désintéressée. L'érotisme de Girlie Shoiv, tableau d'une strip-teaseuse burlesque aux seins coniques et aux tétons rouge vif qui aguiche son public en agitant un vêtement bleu qu'elle a déjà retiré, est à la fois évident et intentionnel. Les esquisses préparatoires révèlent comment Hopper a transformé la petite forme et les traits vieillissants de Jo pour en faire la grande rousse sulfureuse du tableau. Hopper, qui a dû s'identifier aux personnages masculins présents dans le public, montre cette femme comme désirable mais intouchable, à observer de loin en toute sécurité.


Lorsqu'on lui demande pourquoi il choisit certains sujets plutôt que d'autres, Hopper répond : "Je ne le sais pas exactement, à moins que ce ne soit parce que je pense qu'ils sont les meilleurs supports pour une synthèse de mon expérience intérieure. Le grand art est l'expression extérieure de la vie intérieure de l'artiste, et cette vie intérieure se traduira par sa vision personnelle du monde. . . . La vie intérieure d'un être humain est un domaine vaste et varié." SLM

 
Jo, la femme derrière la carrière d’Edward Hopper Rien que pouvait prédire que le mariage entre les deux artistes marquerait le début d’une relation aussi tumultueuse que passionnée, qui aura conduit, si ce n’est à l’avènement de la carrière d’Hopper, à la perte totale du statut d’artiste de Josephine. Bien souvent limitée au simple rôle de « muse », Jo a sacrifié bien plus que quelques heures de son temps pour lui servir de modèle. À commencer par son propre style plastique…

Edward Hopper, Morning Sun, 1952, © Columbus Museum of Art, Columbus, OH, US


Les deux plasticiens se rencontrent pour la première fois dans les années 1910, mais leur relation ne débute qu’en 1923, lors d’une retraite artistique dans le Massachussetts. Ils célèbrent leur union un an plus tard (Josephine a alors 41 ans), et resteront ensemble jusqu’au décès d’Edward Hopper en 1967. Les écrits de Josephine, qu’elle a tenu pendant la majeur partie de sa vie (aujourd’hui en possession de l’historien de l’art Gail Levin), révèlent une relation troublée, rythmée de disputes, et parfois même de violences physiques réciproques.


Robert Henri, « The Art Student » (détail), 1906 portrait de Josephine Nivison à 22 ans, image via Wikipedia


Pendant les deux-tiers de sa vie, Edward Hopper a vécu dans un studio vétuste, sans frigo ni toilettes, qui donnait sur Washington Square à New-York. Malgré quelques voyages dans le Massachussetts, le Maine, ou en Amérique du sud, les deux artistes sont restés confinés entre les quatre murs du petit studio pendant trois ans consécutifs. Cette situation précaire, difficile pour la santé morale d’un couple, aurait mené à des instants explosifs et des actes de violence entre les deux époux. Dans son journal, Jo a notamment relaté qu’elle l’avait « griffé, mordu jusqu’au sang », et qu’il l’avait « attachée, giflée, et lui avait tapé la tête contre une étagère ».

Les hématomes et insultes ne sont pourtant jamais venus à bout de leur union, bien que chacun eut été libre de boucler ses valises et de claquer la porte. Malgré ces gestes discutables, Jo et Edward ont déclaré avoir besoin l’un de l’autre.



Edward Hopper, « Jo Painting », 1936, image ©Whitney Museum of American Art


"C’est une vraie bénédiction qu’Edward et moi soyons là l’un pour l’autre, je serai sûrement autorisée à partir lorsqu’il sera parti."


La carrière d’artiste de Josephine a débuté 16 ans avant sa rencontre avec Hopper. Outre ses dessins vendus au New-York Tribune, Evening Post et au Chicago Herald Examiner, ses œuvres étaient exposées aux côtés des grands, tels que Man Ray, Picasso ou Modigliani. Son art « d’avant Hopper » comporte des huiles fauvistes colorées, qui selon l’auteure Elizabeth Thompson Colleary, étaient l’expression même de sa personnalité vibrante.

L’influence de Jospehine sur la peinture d’Hopper commence dès 1923, lorsqu’il suit son exemple et s’essaie à l’aquarelle de manière plus sérieuse. On retrouve également chez Hopper plusieurs sujets traités préalablement par Jo, comme dans l’aquarelle Shacks, qu’elle exécute en 1923.


Paysage sans titre de Josephine Hopper, image via The Boston Globe


Au cours des années 1920, elle devient son seul et unique modèle. On retrouve la figure de Jo dans de nombreuses aquarelles, dessins et caricatures, mais dans une seule peinture à l’huile, Jo Painting, de 1936. Malgré leur relation compliquée, elle lui apporte le soutien nécessaire pour poursuivre ses œuvres inachevées, comme Five A.M (1937), et parvient même à trouver les titres de ses œuvres lorsqu’il en est incapable (c’est le cas de Nighthawks).

En 1924, Josephine participe à une exposition au Brooklyn Museum aux côtés de plusieurs artistes, mais sa peinture est négligée par la critique, au profit de celle de Georgia O’Keeffe et John Singer Sargent. Elle recommande néanmoins la peinture de son mari aux conservateurs du show, qui lui achètent une toile, la deuxième qu'Hopper vend en près de dix ans. Suite à ce gain de visibilité auprès d’acteurs clés de la scène New-Yorkaise, Hopper bénéficie d’une exposition monographique, dans la galerie qui le représentera pour le reste de sa vie.

Alors qu’Hopper emprunte les couleurs et sujets du travail de sa « muse », devenant un artiste à succès, Josephine copie le style d’Hopper, et perd totalement son identité artistique. Son journal révèle qu’Hopper était loin de soutenir son processus créatif, et qualifie ses compétences de « petit talent plaisant ». On peut se demander si l’impact de leur rencontre était tel que Josephine n’a jamais réussi à retrouver la force picturale de ses œuvres « d’avant Hopper », ou si elle a tout simplement échoué à renouveler son style ?


Edward Hopper, Nighthawks, 1942, huile sur toile, 84 x 152 cm, Art Institute of Chicago, image © VCG Wilson/Corbis via Getty Images


Allant de mal en pis, le travail de Josephine essuie les refus des galeristes et se heurte aux avis négatifs des personnalités influentes du monde de l’art, même lorsqu’il est présenté par Hopper, devenu prolifique.

D’autre part, Jo n’était plus vraiment maître des sujets qu’elle peignait. Hopper lui interdisait de conduire, si bien que les deux artistes se retrouvaient souvent à peindre les mêmes choses. Comme l’a révélé Elizabeth Thompson Colleary, « Jo n’a pas su trouver sa voie en tant qu’artiste lorsqu’ils étaient ensembles ». Hopper endosse une part de responsabilité dans la chute de la carrière de sa femme, mais Jo, quant à elle, n’a pas su prendre le recul nécessaire sur sa propre situation.


"Bien sûr. S’il ne peut y avoir de place que pour l’un d’entre nous, ce sera indubitablement pour lui. "

Jo se jette corps et âme dans la carrière de son mari, et insiste pour être l’unique sujet féminin de ses œuvres, allant jusqu’à lui interdire de peindre d’autres femmes. Elle répertorie ses œuvres, en choisit les titres, et s’investit à tel point qu’elle considère le travail d’Hopper comme une collaboration, faisant référence à ses peintures comme « leurs enfants ». Jo dénigre sa propre peinture, dans ses écrits, comme auprès des conservateurs qui lui demandent ce qu’il en est.


Jo et Edward Hopper, image ©Hopper's VermontBlonde, rousse, nue, vêtue de noir, Josephine est toutes les femmes présentes dans les œuvres d’Hopper, et aucune d’entre elles à la fois.

À la mort d’Hopper, Jo fait don de toutes les œuvres de son mari, ainsi que des siennes, au Whitney Museum of American Art. L’institution se débarrasse de la plupart des toiles de Josephine et depuis sa mort en 1968, n’en a jamais exposé une seule. (sourcé barnebys)

 

Une fois, elle s’est brûlée en posant nue, sa jambe sur le four, tandis que Hopper peignait son 'Girlie Show' burlesque. À 70 ans, Edward la réveillait à l’aube pour qu’elle se tienne, déshabillée, au milieu de leur appartement froid, afin qu’il réalise son chef-d’œuvre,'A Woman in the Sun'", relate le New York Post.



Connue comme épouse et muse d'Edward Hopper, la peintre Jo Nivison accède enfin au succès Publié le 20/04/2020 par Lise Lanot © Edward Hopper Elle habite l'œuvre de son mari, pourtant Jo Nivison était plus célèbre que lui à leur rencontre. Retour sur une artiste oubliée.

En 1923, à 40 ans, Josephine "Jo" Nivison est une artiste en vogue. Des galeries new-yorkaises de renom exposent régulièrement son travail au côté d’œuvres signées Man Ray, Pablo Picasso ou Amedeo Modigliani, tel que le rapporte le New York Post. La même année, elle commence à fréquenter un artiste qui peine à avoir autant de succès qu’elle : Edward Hopper. Convaincue du potentiel de son compagnon, qui dépérissait en tant qu’illustrateur commercial, Josephine Nivison convainc des galeristes d’intégrer ses tableaux à une exposition qui lui était originellement consacrée. C’est elle également qui insiste auprès de celui qui deviendra son mari en 1924 pour qu’il se mette à l’aquarelle. Edward Hopper et Josephine "Jo" Nivison. Peu à peu, l’équilibre s’inverse : on s’arrache les toiles d’Edward Hopper, tandis que celles de son épouse sont reléguées à l’arrière-plan. La carrière de Jo se trouve davantage mise entre parenthèses lorsqu’elle prend le rôle d’imprésario du travail de son mari. Ce n’est qu’un peu avant sa mort que Hopper semble mettre à l’honneur l’importance qu’a eue son épouse dans sa carrière. Son œuvre d’adieu, Two Comedians les représente tous deux, lui devant, elle derrière, saluant un public invisible. Artiste, muse et directrice artistique Jo joue le rôle d’intermédiaire avec la presse (lui, refuse de se prêter au jeu), gère les ventes de ses toiles, trouve le titre de ses œuvres (c’est le cas de Nighthawks), imagine de nouveaux décors, de nouveaux personnages et surtout, elle pose pour lui. Les rumeurs vont bon train. "Two Comedians", 1965. (© Edward Hopper) Pour certain·e·s, Jo était trop jalouse pour laisser d’autres femmes poser pour Edward ; pour d’autres, c’est Edward qui était bien trop grippe-sous pour payer des modèles. Quoi qu’il en soit, c’est bien elle qui habite l’œuvre du peintre. On raconte que les séances n’étaient pas de tout repos : "Une fois, elle s’est brûlée en posant nue, sa jambe sur le four, tandis que Hopper peignait son 'Girlie Show' burlesque. À 70 ans, Edward la réveillait à l’aube pour qu’elle se tienne, déshabillée, au milieu de leur appartement froid, afin qu’il réalise son chef-d’œuvre, 'A Woman in the Sun'", relate le New York Post. "A Woman in the Sun", 1961. (© Edward Hopper) En plus de s’inspirer de son physique, le peintre lui "emprunte les couleurs et sujets de travail", rapporte Barnebys. Josephine, quant à elle, "copie le style de Hopper et perd totalement son identité artistique". Il lui interdit de conduire, "si bien que les deux artistes se retrouv[ent] souvent à peindre les mêmes choses". Leur vie de couple est chaotique. Dans son journal et dans ses correspondances (largement reproduites dans une biographie signée Gail Levin, Edward Hopper: An Intimate Biography), Jo déplore la façon dont la "supériorité crâneuse" de son époux l’a peu à peu poussée à délaisser son travail (qu’il qualifie de "petit talent plaisant") et raconte comme les deux amants se disputaient, allant jusqu’à se violenter physiquement. "Autoportrait", non daté. (© Josephine Nivison) Une reconnaissance à retardement En 1967, Edward Hopper décède. L’année suivante, Josephine Nivison meurt à son tour et lègue le travail de son mari, ainsi que le sien, au prestigieux Whitney Museum. En 1971, le New York Times relie son geste au fait qu’elle était "convaincue de la valeur de son travail", un travail pourtant jugé "mineur" par le journaliste. La même année, le critique d’art américain Brian O’Doherty lui donne davantage de crédit. Il écrit que Jo "devrait recevoir une attention considérable dans les études à venir sur le travail de Hopper" et qu’elle était "une femme au talent authentique, mais frustré, extrêmement cultivée". Plus de cinquante ans plus tard, l’heure de gloire de Josephine Nivison arrive enfin. Le Provincetown Art Association and Museum a acquis plusieurs de ses œuvres, tandis que le Whitney a également récupéré l’une de ses toiles, Obituary – et il semblerait que cela ne représente que le commencement de cette reconnaissance tardive.

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